Retour de KUMIUT sur le Business and Climate Summit à moins de 200 jours de la COP 21

Retour de KUMIUT sur le Business and Climate Summit à moins de 200 jours de la COP 21

KUMIUT, société spécialisée dans le conseil en Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), a assisté avec intérêt et curiosité au Business and Climate Summit, les 20 et 21 mai dernier, au siège de l’UNESCO, Paris 7. Ces deux journées, qui ont rassemblé plus d’un millier de responsables d’entreprises et de décideurs politiques, se voulaient à la fois un avant-goût et une phase préparatoire à la 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements Climatiques*(COP21) qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre, à Paris-Le Bourget.

Le sentiment de vivre quelque chose d’inédit

Si l’on peut regretter que certains des échanges – plus que des débats, un peu trop convenus et entendus – aient laissé les participants, largement sensibilisés, un peu sur leur faim, l’ambiance qui régnait au sein de l’UNESCO, lieu emblématique par excellence – « Construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes », tel est le leitmotiv de l’UNESCO – donnait le sentiment de vivre quelque chose d’inédit.

Une impression renforcée par le ton et la solennité de certains discours, comme celui de Vladimir Ryabinin, Secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale et Sous-Directeur général de l’UNESCO, évoquant « une obligation de résultats » derrière la transition souhaitée vers une économie décarbonnée et précisant « nous sommes la 1ère génération à prendre conscience des enjeux et à pouvoir changer les choses ».

Une solennité, à la mesure de l’enjeu et des attentes, qu’Angel Gurria, Secrétaire général de l’OECD, a doublé d’une mise en garde « si nous ne prenons pas l’opportunité qui nous est donnée de changer [ndlr : de transiter vers une économie à bas carbone], nous subirons les conséquences associées au réchauffement climatique ». Avant de préciser l’objectif à atteindre : « zéro émission d’ici la 2ème moitié du siècle au niveau mondial ».

La fin d’une controverse, au moins sur le fond…

Il y a encore quelques années, la question du réchauffement climatique faisait l’objet d’une controverse. Sans prétendre qu’elle ait totalement disparu des radars, elle n’était certainement pas à l’ordre du jour du Business and Climate Summit qui semblait porter, d’une seule et même voix, le message d’une action forte et collective pour stopper le modèle de développement climatique actuellement dominant.

  • « Le climat n’est plus une option, la mobilisation collective est en cours […] Si l’on veut que la qualité de nos vies, de nos produits, survive aux questions climatiques, il faut s’y mettre tous ensemble », Georges Plassat, Président-directeur général de Carrefour.
  • « Il faut créer un cadre global efficace, pour réduire les émissions […] Un effort massif et cohérent avec l’appui des décideurs », Eldar Saetre, Président-directeur général de Statoil.

Pour autant, derrière les déclarations d’intentions, les réels efforts prêts à être faits par les uns et les autres, à commencer par les Etats à travers le monde, pour s’engager activement dans l’économie décarbonnée, auront laissé songeur et n’auront pas permis de dissiper véritablement les doutes existants.

  • « Il faut des politiques plus audacieuses et plus intelligentes pour répondre au niveau des enjeux climatiques », Pierre-André de Chalendar, Président-directeur général de Saint-Gobain.
  • « Il faut se fixer des objectifs communs ; or, même en Europe, les politiques énergétiques divergent », Xavier Musca, Directeur général délégué, Crédit Agricole.

Le véritable défi à relever, comme l’a notamment rappelé François Hollande, Président de la République française, à l’occasion de son allocution, est bien d’obtenir l’engagement massif de tous les acteurs concernés derrière « un enjeu écologique, économique avec une perspective de croissance verte ».

Un message en écho à celui d’Angel Gurria adressé à l’attention des entreprises : « les entreprises doivent prendre le sujet à bras le corps car elles ont un rôle central à jouer pour arriver à l’objectif ».

Une question centrale : le prix du Carbone

Au centre des débats, la question du prix du Carbone est apparue comme cruciale et la pièce maîtresse du jeu mondial sur la question climatique. De nombreuses interrogations, encore sans réponses établies, ont été soulevées sur la tarification du Carbone : quel prix doit-on fixer ? Comment doit-on le fixer ? Faut-il privilégier un système de taxe réglementé ou un système de marché ? Une taxe ou des échanges de besoins ? Comment créer un système compréhensible par le plus grand nombre, condition de son adhésion massive ?

  • « Il faut faire payer un prix à ce qui n’est pas discutable », Eldar Saetre.
  • « Nous savons que l’avenir c’est de s’attaquer au Carbone par le prix », Angel Gurria.

A ce sujet, plusieurs points de vue se sont confrontés avec toutefois une nette préférence pour un système de marché, jugé plus stable, plus prévisible et plus rassurant pour les entreprises, que des réglementations nationales amenées à changer sans prévenir.

  • « Le prix pour l’entreprise, c’est l’incertitude […] il faut essayer de structurer les choses […] comme certains pays ont déjà mis en place la tarification Carbone, il faut suivre ce retour d’expérience et apprendre des signaux qui ont émergé », Rachel Kyte, Vice-présidente et envoyée spéciale du Groupe de la Banque mondiale pour le changement climatique.
  • « Le marché de la tarification Carbone manque d’une banque centrale pour assurer un bon équilibre aujourd’hui […] Nous avons un système en Europe, qui fonctionne et peut nous donner des prix à court terme mais, qui n’est pas capable de nous donner des signaux à moyen long terme », Jean-Pierre Clamadieu, Président-directeur général de Solvay.
  • « L’élément le plus important, c’est d’avoir un système visible pour l’avenir. Un système d’échanges de droits (= système de marché)  est éloigné du public mais, on a constaté que plus la distance est élevée, plus le système est solide. La question est maintenant de savoir comment attirer les capitaux ? Nous cherchons actuellement un système d’échanges prévisible, car un système d’échanges de droits est le système le plus proche d’une acceptation du prix du Carbone dans le monde, c’est le nouveau paradigme », José Manuel Entrecanales Domecq, Président-directeur général d’Acciona.

Si le système de marché (échanges de droits) a semblé plus adapté pour répondre aux enjeux liés à la fixation du prix du Carbone, son lien avec le consommateur et le citoyen aura tout de même soulevé quelques questions et interrogations. La simplicité du système a, notamment, été plusieurs fois évoquée comme une condition nécessaire à son appropriation et son adoption par le plus grand nombre.

  • « Je suis d’accord avec le fait que le système de marché est le plus stable ; toutefois, c’est aux gouvernements de fixer les perspectives à plus long terme pour éviter la volatilité et penser aussi à la fiscalité, car un système d’échanges de droits doit aussi convaincre les consommateurs », Xavier Musca.
  • « Si l’on veut réduire les émissions […] et réparer l’environnement, il faut que ce soit simple (exemple : une taxe et des pénalités) et que les populations soient d’accord. Il est déjà difficile de faire du négoce dans le marché mondial, alors mettre un marché d’échanges de droits avec 39 pays paraît délicat. Je verrais plutôt une taxe qui serait mise à la disposition de ceux qui veulent travailler dans de nouveaux modèles de développement », Kerry Adler, Président-directeur général de SkyPower Global.

Des questions qui auront longuement animé les débats des deux journées et sur lesquelles François Hollande a également donné son ressenti : « la question du prix du Carbone est évidemment posée. Toutefois, elle génère des crispations, car il y a des craintes de perte de compétitivité. La Chine l’a déjà introduit [ndlr : le prix du Carbone], l’Europe cherche les moyens de le faire […] il faut un prix cohérent pour qu’il influence nos comportements ».

Des points de vue étayés par des situations différentes

La richesse de ce type de manifestation, indépendamment du sujet traité, est la grande diversité des participants qui se croisent et échangent, « tambour battant », pendant deux journées, parenthèses éclairantes et éclairées sur le monde et pas seulement sur un quartier, une ville, un pays, l’Europe… Non, sur le Monde !

C’est ainsi que le Business and Climate Summit a accueilli, lors de la 1ère journée, Tony de Brum, Ministre des Affaires étrangères des Iles Marshall qui, sans ambages, a réagi au contexte de réchauffement climatique en indiquant « c’est la fin de notre culture, de notre peuple, de notre vie. Nous devons respecter nos engagements et que les promesses soient tenues […] Nous ne sommes pas un fardeau mais une opportunité pour les entreprises ».

Le jour suivant, le Business and Climate Summit accueillait Ali Al Naimi, Ministre du Pétrole et des Ressources minérales de l’Arabie Saoudite. Dans un discours, plutôt pragmatique, si ce dernier s’est dit conscient de la nécessité d’arrêter, à moyen long terme, le recours aux énergies fossiles, il a toutefois insisté sur l’importance d’accompagner les pays, encore éloignés du développement, à relever la tête en leur permettant de profiter, eux aussi, des bénéfices de l’électricité. Par ailleurs, interrogé sur la volonté de l’Arabie Saoudite de s’inscrire dans une économie décarbonnée, il s’est adressé aux autres participants en leur posant la question suivante : « Décarbonner, d’accord ! Mais êtes-vous, vous-mêmes, prêts à fermer tous les puits de pétrole en rentrant chez vous ce soir ? ».

Des attentes fortes, en particulier vis- à-vis des gouvernements

Placé sous le signe de l’économie et de ses acteurs, le Business and Climate Summit a constaté, à de nombreuses reprises, la formulation d’attentes fortes à l’égard des Etats, aussi bien de la part des représentants d’institutions internationales que des chefs d’entreprise.

  • « Nous avons besoin de signaux clairs, d’une approche granulaire allant au-delà du discours macroéconomique général », Simon Upton, Directeur de l’environnement de l’OCDE.

La possibilité d’un accord lors de la COP21 ?

Tous les intervenants qui se sont succédés, ou presque, ont milité en faveur d’un accord à l’issue de la COP21.

  • « Nous avons, d’ici à la fin de cette année, pour arriver à un accord durable et contraignant au niveau universel », Manuel Pulgar-Vidal, Président de COP 20.

Mais qu’en sera-t-il vraiment ?

Durant son allocution, François Hollande a été très précis, sur le contexte actuel, ne laissant pas de doute planer sur la difficulté à convaincre et trouver un consensus avec 196 pays. S’il a formulé de tous ses vœux le souhait de faire de la COP 21 un succès collectif, en « alliant les intelligences avec les devoirs pour construire ensemble un nouveau monde », il n’a pas caché qu’arriver à un accord ne serait pas une mince affaire, « ça tiendra du miracle, de la conscience et de la responsabilité », a – t –il précisé.

Dans quel cadre devra s’inscrire l’accord ?

François Hollande a évoqué quatre volets que devra comporter l’accord :

  • Volet n°1 : l’accord devra proposer un cadre contraignant, universel et différenciant pour que les caractéristiques de chaque pays puissent être prises en compte.
  • Volet n°2 : chaque pays, en amont de la conférence, devra énoncer sa stratégie (= sa contribution nationale). Une condition remplie à cette date par seulement 37 pays alors que la date butoir a été fixée à cet été.
  • Volet n°3 : le financement des mesures devra se faire à travers le fond vert qui comprendra des contributions des Etats (Allemagne, France, USA, Chine sont déjà engagés) ainsi qu’un financement venant du public. Sans la constitution de ce fond, qui sera à destination des pays les moins développés, il ne pourra pas y avoir d’accord.
  • Volet n°4 : un « agenda des solutions » devra être ajouté à l’accord.

Quel rôle devront jouer les entreprises ?

Selon François Hollande, les entreprises sont attendues sur trois aspects : une mobilisation sur le financement, sur la mise en œuvre de l’accord ainsi qu’un apport de savoir-faire (technologique ou autre) pour contribuer à améliorer la situation. « Il faut aller vers un monde décarbonné résiliant au changement climatique », a- t-il indiqué tout en précisant qu’il faudrait « faire preuve d’une ingénierie financière pour investir massivement dans la transition énergétique ».

La transition écologique : mythe ou réalité ? La Responsabilité Sociétale Universelle (RSU).

Après deux journées de débats, la conviction que le monde doit changer est forte. Le but à atteindre ainsi que les objectifs sont finalement assez clairement exprimés. Ce qui demeure plus flou, en revanche, ce sont les moyens pour y arriver. En effet, durant tout ce Business and Climate Summit, le principe de réalité n’aura pas manqué de s’inviter à la table des débats et de rappeler à chacun qu’un consensus planétaire, s’il ne relève pas de l’utopie, s’en rapproche quand même très fortement.

Gageons donc, que la prise de conscience soit suffisamment forte, pour créer ce déclic qui fera basculer le monde dans une nouvelle ère.  Une nouvelle ère que chacun ne doit pas seulement formuler de ses vœux mais bel et bien prendre à bras le corps pour en faire une réalité commune. L’enjeu est de taille car, derrière les questions climatiques, il y a de nombreuses questions sociales et sociétales ; l’enjeu est celui d’une Responsabilité Sociétale Universelle (RSU) à prendre… ou à laisser.

(*) La Convention cadres des Nations unies sur les changements climatiques a été adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Pour en savoir plus : http://www.cop21.gouv.fr