Kumiut s’est rendue au colloque, organisé par le Groupe Alpha, intitulé : « Emploi, travail et compétitivité : la France à la croisée des chemins, le pacte de responsabilité : pour quoi faire ? »

Kumiut s’est rendue au colloque, organisé par le Groupe Alpha, intitulé : « Emploi, travail et compétitivité : la France à la croisée des chemins, le pacte de responsabilité : pour quoi faire ? »

KUMIUT, a assisté au colloque intitulé « Emploi, travail et compétitivité : la France à la croisée des chemins, le pacte de responsabilité : pour quoi faire ? », qui s’est tenu le 07 avril dernier à la Maison de la Mutualité, Paris 5.

Organisé par le Groupe Alpha, le colloque, initialement prévu en décembre 2013,  a été ouvert par Pierre Ferracci, Président du Groupe Alpha ainsi que par Jeremy Rifkin, Economiste, à travers une interview filmée.

Dans son introduction, Pierre Ferracci, a tout d’abord rappelé que le Groupe Alpha, qu’il a créé il y a 30 ans, est spécialisé dans les relations sociales et le développement local. Le Groupe, à travers ses trois filiales : Secafi, Sémaphores et Sodie, intervient auprès des acteurs du dialogue social et territorial.

Il est ensuite brièvement revenu sur le contexte économique français, « le pays est dans un sale état », a – t – il précisé, avant d’évoquer la situation politique, à quelques jours à peine du remaniement ministériel faisant suite aux résultats des élections municipales, qui ont, selon lui, donné « un redoutable signal » au gouvernement.

Après l’évocation récente, par le Président de la République, d’un Pacte de solidarité associé au Pacte de Responsabilité, il s’est dit en attente du discours de politique général du Premier Ministre – qui a eu lieu le 08 avril, formulant de ses vœux que le Pacte de Solidarité apporte ce qui pouvait manquer jusqu’alors au Pacte de Responsabilité, en particulier des enjeux concernant la politique de l’offre et les contreparties. Il a terminé en indiquant qu’il faudrait sans doute trouver aussi un équilibre du côté de l’Europe.

L’interview de Jeremy Rifkin, ancien conseiller du Président Clinton et auteur de l’ouvrage « The third industrial revolution », a permis d’introduire de façon prospective les débats, en apportant un éclairage intéressant sur la France et sur l’Europe. Un éclairage, à la fois ouvert et optimiste, en forme de challenge à relever autour de ce que l’économiste, qui a été mandaté en 2012 par le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et la Chambre de commerce et d’industrie région Nord-pas de Calais pour réaliser un Master Plan pour le territoire Nord-Pas-de-Calais – les travaux ont été présentés lors du World Forum Lille fin 2013 , considère comme la troisième révolution industrielle.

Militant de la société « post-carbone » – baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, autonomie par rapport au pétrole, réchauffement climatique, Jeremy Rifkin plaide pour une Europe où l’énergie, qui fut à l’origine de sa création après la guerre (CECA), est mutualisée et en réseau. Pour lui, l’énergie doit devenir un bien commun, décentralisé, comme peuvent l’être aujourd’hui les moyens de communication.

Deux tables rondes (*) ont ensuite permis à différents intervenants  de réagir sur deux grands thèmes : « le modèle productif : quel cap à 10 ans » et « « la démocratie sociale en mouvement ? ».

A l’occasion de la première table, à laquelle participaient Luc Berille, Secrétaire Général de l’UNSA, Carole Couvert, Présidente de la CFE-CGC, Thibault Lanxade, Membre du Conseil Exécutif du MEDEF et Président du Pôle Entrepreneuriat & croissance, Alain Petitjean, Directeur Général de Sémaphores – Groupe Alpha, Jean Pisani – Ferry, Commissaire Général à la Stratégie et à la Prospective, Alain Rousset, Député de la Gironde, Président du Conseil Régional d’Aquitaine, Président de l’ARF, plusieurs thématiques ont été abordées concernant le modèle productif français.

La nécessité de changer de modèle économique

Alain Rousset. Le modèle économique de la France ne fonctionne pas. Il ne crée pas assez d’emplois, en partie parce que l’industrie y a perdu sa place. La France n’est plus un modèle industriel, c’est devenu une économie de la sous-traitance. Une sous-traitance qui fonctionne à tous les niveaux : de l’Etat vers les collectivités, des grands groupes vers les PME, etc. D’un côté, les grandes entreprises françaises sont les mêmes depuis près de 30 ans, il n’y a pas eu de renouvellement ; de l’autre, les PME n’arrivent pas à croître.

Les concepts à retenir : #réindustrialisation #décentralisation. 

Un éclairage sur la relocalisation d’activités industrielles

Alain Petitjean. Il existe une divergence surprenante quand on interroge les entreprises qui ont décidé de relocaliser leurs activités industrielles en France. D’un côté, elles vantent la compétitivité « micro-économique » du territoire (qualité de la main d’œuvre, mobilisation du personnel, bons fournisseurs, bons sous-traitants, bon niveau de R&D…), considéré comme un écosystème compétitif et productif.

De l’autre, elles ont un avis plutôt négatif et très réservé sur la compétitivité « macro-économique ». Elles pointent notamment du doigt le coût de l’énergie, le niveau de l’euro, les difficultés liées au modèle social français ainsi que les lourdeurs ou lenteurs administratives (fiscal, juridique). Leurs besoins ? Des compétences, des connexions, de l’accélération pour se développer au sein d’un territoire donné.

Les concepts à retenir : #relocalisation #facteurs de compétitivité #territoires connectés

Une mise en perspective de l’économie française depuis 10 ans

Jean Pisani – Ferry. L’économie française ne s’est pas ouverte. Le ratio import/export par rapport au PIB est resté stable. Le constat est que l’on a refusé certaines délocalisations, de casser certaines chaînes de valeur, et que cela n’a pas fonctionné. On a créé des emplois non délocalisables mais pas d’emplois délocalisables et au final nous avons une dette importante. Toutefois, il est à rappeler que tous les pays industriels sont sur la pente descendante, l’évolution est commune à la plupart des pays.

L’économie de la France est une économie de la sous-traitance qui fonctionne plus ou moins bien, notamment parce que le modèle d’innovation a changé – les grands groupes sous-traitent de plus en plus là où ils produisent. Les entreprises ont besoin de modèle ouvert et la France a bien du mal à opérer cette transition. Par ailleurs, l’échelle territoriale est devenue primordiale, c’est aujourd’hui un grand défi que celui de pouvoir compter sur les métropoles. Des métropoles capables de diffuser sur l’ensemble du territoire.

Un autre défi concerne la compétitivité par les prix. Plus la compétitivité se fait par les prix, moins les entreprises ont les moyens d’innover et de monter en gamme, il faut donc créer les conditions favorisant la montée en gamme et sortir de la dictature du prix. Il est possible aujourd’hui de franchir une étape en Europe – portabilité des droits sociaux…, y compris sur le terrain fiscal.

Les concepts à retenir : #économie ouverte #modèle d’innovation #métropoles #montée en gamme

Un nouvel écosystème à la française ?

Carole Couvert. Il faut décentraliser, avec une gestion décentralisée des emplois et des compétences, il faut juste rester vigilant pour qu’il n’y ait pas de concurrence entre les régions. L’écosystème à mettre en place pour redonner la confiance passe par : la montée en gamme de la production française, l’innovation et la R&D, l’usine du futur avec un mixte homme/machine (cf. le site d’Aulnay de l’Oréal). A retrouver, « Made in Emploi ».

Les concepts à retenir : #décentralisation #montée en gamme #innovation #usine du futur

Luc Berille. Il est nécessaire de construire un nouveau compromis social. Il y a un double défi à relever : d’une part, augmenter le niveau de la formation initiale en France ; d’autre part, développer la formation professionnelle.

Les concepts à retenir : #compromis social #formation

Thibault Lanxade. La France a les taux de marge des entreprises les plus bas d’Europe avec un notamment un décrochage important vis-à-vis de l’Allemagne (40%). Il faut revoir les financements, pousser la simplification – « construire un bâtiment en France prend environ 2,5 ans ». Il faut aussi développer l’égalité et la parité qui a un véritable impact positif sur la croissance des entreprises.

Les concepts à retenir : #taux de marge #simplification #parité

Quelques verbatims :

Alain Rousset : « On ne peut pas investir si l’entreprise ne gagne pas d’argent, on ne peut pas investir si l’entreprise ne crée pas d’emploi [… ] Seule l’innovation de rupture crée de l’emploi » / « La seule chose que l’on n’a pas tenté en France, c’est la décentralisation, y compris dans le milieu industriel et je propose qu’on la tente » / « Les régions françaises ont six fois moins de moyens que les landers allemands » / « Tous les pays qui ont décentralisé ont diminué les écarts de richesse ».

Alain Petitjean : « Le temps est devenu le carburant principal de notre économie ».

Jean Pisani – Ferry : « Notre modèle n’est pas un bon modèle ».

Thibault Lanxade : « Mettre l’accent sur les PME est très important. 58% des emplois sont dans les PME » / « Une PME en France vend ou importe dans un rayon de 50 kilomètres » / « Il y a 150 000 jeunes qui sortent du système éducatif en France ».

(*) KUMIUT n’a pu assister qu’à la première table ronde intitulée « le modèle productif : quel cap à 10 ans » ainsi qu’au discours de François Rebsamen, Ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social.