
KUMIUT a assisté à la remise des prix pour la prévention des conflits de la Fondation Chirac, le 19 novembre 2015, Paris
La Fondation Chirac, lancée en 2008 au musée du quai Branly, avec la mission de « poursuivre le plaidoyer de Jacques Chirac en faveur de l’accès aux droits fondamentaux pour chaque être humain, ainsi que pour la recherche du dialogue et de la paix entre les peuples », remettait ce jeudi 19 novembre 2015 son Prix pour la prévention des conflits et son Prix Culture pour la paix, créé en partenariat avec la Fondation Culture & Diversité.
Depuis sa création, KUMIUT soutient la Fondation Chirac, reconnue d’utilité publique, par une modeste contribution financière mais surtout en communiquant, chaque année, sur son action auprès de ses clients, partenaires et observateurs. En effet, KUMIUT a toujours été persuadée que les thèmes d’engagements de cette Fondation étaient des enjeux forts, universels et malheureusement à l’acuité forte… Aujourd’hui plus que jamais.
« Récompenser des initiatives citoyennes pour éviter parfois le pire »
Avec les événements survenus le vendredi 13 novembre à Paris, la cérémonie s’est ouverte cette année dans une ambiance marquée par le deuil et la gravité. Si les applaudissements furent nourris pour accompagner la venue sur scène des différentes personnalités, dont François Hollande, Président de la République Française, les cœurs n’étaient malheureusement pas à l’enthousiasme. Chacun savait en son âme et conscience que ces Prix récompensaient des causes qui avaient déjà payé un lourd tribut à la mort.
Cette cérémonie, pourtant largement suivie – étaient présents dans l‘amphithéâtre Claude Lévi-Strauss, aux côtés de François Hollande et de Bernadette Chirac, plusieurs ministres du gouvernement ainsi que d’anciens ministres – ne put offrir le même élan et le même niveau d’espoir que les autres éditions. Cette année, l’actualité était trop présente dans les esprits pour se laisser emporter par la joie.
C’est Antoine Cormmery, journaliste à France 24, qui anima cette 7ème cérémonie de la Fondation Chirac. En introduction et avant de présenter les membres du jury, il rappela la finalité des deux Prix remis :
- Le Prix pour la prévention des conflits vise à récompenser « des initiatives citoyennes qui permettent d’éviter parfois le pire» ;
- Le Prix Culture pour la paix vise à distinguer des personnalités et institutions qui luttent contre les conflits à travers des programmes culturels.
« L’indispensable dialogue des cultures »
Stéphane Martin, Directeur du Musée du Quai Branly, fut le premier à s’exprimer au pupitre. Il souligna que le Musée du Quai Branly, qui était profondément honoré d’accueillir une nouvelle fois cette cérémonie, partageait la même mission que la Fondation Chirac autour du dialogue des cultures. Alors qu’il venait, quelques jours plus tôt, de participer à la réunion du Musée sur l’acquisition des nouvelles collections, il rapporta que la dernière collection regroupait des tenues traditionnelles et chatoyantes de femmes irakiennes. Il prononça alors ces mots : « jamais la vie ne se fait en noir ».

Stéphane Martin, Directeur du Musée du Quai Branly
« On ne pensait pas être si proches de la vérité, nous pleurons d’avoir eu raison »
En l’absence de Jacques Chirac, dont la présence aura pourtant accompagné toute la cérémonie à travers les très nombreux hommages qui lui furent adressés, c’est sa fille Claude Chirac, également Vice-présidente du Conseil d’Administration, qui porta les messages de la Fondation. Son premier message fut pour Latifa Ibn Ziaten, lauréate du Prix pour la prévention des conflits. « Chacun mesure l’urgence et l’importance du combat que vous menez contre la radicalisation et pour le dialogue […] ce que vous êtes et ce que vous faites est valeur d’exemple», annonça t – elle en se tournant vers Latifa Ibn Ziaten, et avant d’ajouter « on ne pensait pas être si proches de la vérité, nous pleurons d’avoir eu raison ».

Claude Chirac, Vice-présidente Fondation Chirac
Focus sur le Prix pour la prévention des conflits 2015 :
Suite à la mort de son fils Imad Ibn Ziaten, première victime de Mohammed Merah en mars 2012, Latifa Ibn Ziaten décide de créer l’Association Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix dont le but est de promouvoir la laïcité et le dialogue interreligieux. L’association intervient auprès des enfants, adolescents et jeunes adultes, de tous les milieux sociaux, notamment de détenus en milieu carcéral. Ses objectifs sont :
- Œuvrer à la mise en place d’un authentique dialogue interreligieux.
- Prévenir les dérives sectaires et extrémistes, notamment dans certains quartiers où l’extrémisme est à l’œuvre depuis plusieurs années, et où la délinquance ne connaît plus de limites.
- Mettre sur pied une structure éducative laïque et républicaine, appuyée par une cellule d’écoute religieuse multiconfessionnelle chargée d’intervenir en milieu carcéral ainsi que dans les écoles.
- Promouvoir la laïcité et affirmer haut et fort qu’elle ne signifie pas le rejet de la religion, mais au contraire le droit de vivre sa foi, tout en ayant l’obligation de respecter celle des autres ainsi que les lois de la République.
- Créer un cadre public et officiel pour favoriser la discussion et les rencontres entre les acteurs de la vie citoyenne et les forces vives du pays. Source : www.fondationchirac.eu
Son second message fut ensuite adressé à Aldiouma Yattara, Directeur du musée de Gao et porteur du projet des Banques Culturelles du Mail, distinguées cette année par le Prix Culture pour la paix. Précisant la fierté et l’honneur de la Fondation Chirac d’avoir les Banques Culturelles comme lauréates, Claude Chirac souligna que grâce à leur action « chacun peut espérer vivre et faire vivre sa famille dignement ».
Focus sur le Prix Culture et paix 2015 :
Les banques culturelles proposent aux populations rurales de placer leurs objets culturels de valeur dans un musée de village plutôt que de les vendre. En échange de ce placement, les villageois bénéficient de prêts financiers et de formation en gestion.
Aujourd’hui, on compte quatre banques culturelles au Mali, une au Bénin et une au Togo, soutenues par l’Institut de la Banque mondiale et par l’Ecole du Patrimoine Africain de Porto Novo au Bénin. Source : www.fondationchirac.eu
« Etre ferme sur les valeurs fondamentales »
Alain Juppé, ancien premier ministre, débuta son discours en précisant la nécessité d’être ferme sur les valeurs fondamentales portées depuis toujours par Jacques Chirac et véhiculées via sa Fondation. « Nous vivons des heures sombres, nous avons payé le tribut du sang d’un terrorisme aveugle », précisa – t –il avant d’inviter à l’unité dans l’épreuve et de donner la priorité à « la protection de nos concitoyens, la défense de nos valeurs et de notre intégrité ».
Faisant référence aux nombreux messages de soutien exprimés par les autres pays à la France après les événements tragiques du 13 novembre, Alain Juppé précisa que cela démontrait bien l’importance à l’extérieur de notre Déclaration des droits de l’homme ainsi que nos valeurs de liberté. Il invita donc à « porter le flambeau de l’histoire » en précisant que c’était précisément ce que faisaient les deux lauréats 2015 de la Fondation Chirac en réprimant la violence et la barbarie aveugle.

Alain Juppé, ancien Premier Ministre
« Nul jour plus qu’aujourd’hui le Prix Culture pour la paix est d’actualité »
C’est Marc Ladreit de Lacharrière, Ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco et Fondateur de Culture & Diversité, qui fut chargé de remettre le Prix Culture pour la paix à Aldiouma Yattara, après avoir indiqué « nul jour plus qu’aujourd’hui le Prix Culture pour la paix est d’actualité ». Sa Fondation Culture & Diversité, lancée en 2006, a pour mission de favoriser l’accès aux arts et à la culture pour les jeunes issus de milieux modestes. Elle est cocréatrice avec la Fondation Chirac du Prix Culture pour la paix.

Marc Ladreit de Lacharrière, Président de la Fondation Culture et Diversité et Aldiouma Yattara, lauréat 2015 du Prix Culture et paix
« La culture c’est l’arme qui ne tue pas mais c’est l’arme qui fait vivre »
Après avoir chaleureusement remercié les deux Fondations pour ce prix remis aux Banques Culturelles du Mali, Aldiouma Yattara, lauréat du Prix Culture pour la Paix, proposa un discours engagé sur l’importance de la culture et ses liens avec l’économique et le social. « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout perdu, et c’est notre combat en tant que conservateur de musée de renforcer la confiance dans la diffusion de notre patrimoine culturel ». Il expliqua notamment que le projet des Banques Culturelles fut à la fois un projet identitaire pour le Mali – même si des Banques Culturelles similaires se sont déjà développées ailleurs – et un projet économique pour venir en aide aux populations. « Nous voulions rompre avec le système de musée classique et le système de banque classique » précisa – t – il avant de conclure « les Banque Culturelles, c’est l’arme qui ne tue pas mais c’est l’arme qui fait vivre ».
« Cette année nous honorons une femme remarquable, ce qui n’a rien de surprenant pour un tel prix »
Vice-présidente de la Fondation Orange, sponsor et soutien de la Fondation Chirac, Christine Albanel, profita de devoir remettre le Prix pour la prévention des conflits pour revenir sur le rôle des femmes dans la lutte pour la paix. « Cette année nous honorons une femme remarquable (ndlr : Lafita Ibn Ziaten), ce qui n’a rien de surprenant pour un tel prix », souligna – t-elle en revenant sur le rôle majeur des femmes dans la lutte pour la paix. « Elles savent prendre la parole et faire en sorte qu’elle soit entendue car leur parole est ancrée dans la réalité », indiqua Christine Albanel tout en précisant que la Fondation Orange avait depuis longtemps investi pour la formation des filles en Afrique.
Elle rendit ensuite hommage à l’action de la lauréate du Prix pour la prévention des conflits en louant son courage, « elle a transformé son épreuve en message de paix ».

Christine Albanel, Vice-présidente de la Fondation Orange
« Il faut ouvrir les quartiers et les ghettos fermés »
Le discours de Latifa Ibn Ziaten fut d’abord le discours émouvant d’une mère qui n’acceptera jamais que son fils soit mort pour ce qu’il représentait et les valeurs qu’il incarnait. C’est non sans émotion qu’elle évoqua son souvenir et qu’elle rappela qu’elle lui avait inculqué la dignité, le respect et les valeurs républicaines. Elle rappela ensuite que son action, décidée suite à la mort de son fils et en promesse à ce dernier, était d’abord et avant tout de passer un message de paix auprès des jeunes mais aussi de leurs parents. Elle parla de la souffrance rencontrée dans les écoles et dans les maisons d’arrêt, elle s’alarma des quartiers et des ghettos fermés qui sont pour elles des lieux où la souffrance de ceux qui y vivent se transforme parfois en haine et en radicalisation. Elle lança ensuite un vibrant appel à l’aide pour continuer son combat pour la paix et le vivre en France.

Latifa Ibn Ziaten, lauréate du Prix 2015 de la prévention des conflits
« La France fut le premier pays à dire que les hommes naissent libres et égaux »
C’est à François Hollande, comme en 2014, que revint la tâche de clôturer la cérémonie. Son discours, moins envolé et moins percutant que l’an passé, du fait du contexte très pesant des derniers jours, commença par un rappel à son attachement aux principes défendus par la Fondation Chirac : le dialogue entre les cultures, la défense du droit, la protection des plus faibles et la résistance à l’oppression. Il rendit également hommage à Jacques Chirac qui « fut toujours là pour défendre les valeurs de la République ».
Il précisa ensuite que si la France est en guerre aujourd’hui, c’est parce qu’elle est un pays de liberté de démocratie et de culture, rappelant qu’elle fut « le premier pays à dire que les hommes naissent libres et égaux ». Daesh, souligna – t – il, « fait aujourd’hui la guerre au mode de vie et à l’art de vivre de la France », tout en ajoutant « nous ne renoncerons jamais à ce que nous sommes, c’est d’ailleurs l’objet des deux Prix de la Fondation ».

François Hollande, Président de la République Française
Il termina en louant l’action des deux lauréats, saluant l’exemplarité de leur combat pour la paix et pour la culture :
A l’attention de Latifa Ibn Ziaten : « Vous incarnez l’amour maternel dans ce qu’il a de plus poignant. Vous dites aux jeunes que la France est leur patrie et qu’en la choisissant, ils sont pleinement eux-mêmes. Vous leur parlez de l’école, vous qui regrettez de ne pas avoir pu faire d’études ».
A l’attention d’Aldiouma Yattara : « Grâce à vous la culture devient un moyen de financer le développement ».
A savoir : l’œuvre remise aux lauréats, intitulée « l’Enfant feuille » a été créée par Ousmane Sow.